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S.P.K. "Paradiso"

S.P.K.
Paradiso
(Therapeutic Adverse Recordings, 2014)




***




Un nouveau CD bootleg de SPK enregistré live en 1987 au Paradiso à Amsterdam. Période plus apaisée donc (avec de nombreux extraits du mythique album ambient Zamia Lahmani : Songs of Byzantine Flowers). Hop !

Larevue*

Larevue* 
numéros 2013 et 2014 
(Julien Nègre éditeur)

Disponibles ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies...


Extrait :

Bruno Fern 2 lignes

Toute l'écriture est de la cochonnerie (1)


TOUTE

à condition qu'elle se touche aux extrémités à la syntaxe la fasse touiller aux commissures tourner à la vitesse


L'E

carte telle qu'en elle-même l'accule dans ses derniers qu'impose la texture qu'atteignirent les Athéniens quand l'eurent dans le baba dans l'os et pas qu'un peu la lèche à fond l'expulse la pousse un


CRI

à déformer sous les effets spéciaux de l'écrit qu'une voix quasi inconnue au répertoire s'escrime à balancer par-dessus bord vers l'avant


TURE

tu parles histoire de moins patauger d'dans de s'en enlever une couche qui tient déjà assez comme ça une dose de confiture de perles jetées à qui l'


EST

ici devant vous faisant mais pas gêné en apparence


DE

s'y voir exposé aux yeux multiples de 2 sans queue ni nom précisé dans la notice de s'y mettre en position de 


LA

montrer sa / son / ses même avec parties fines laissées dans l'ombre pour des raisons + ou - dépendantes de la volonté c'est quoi qu'on dise trop tard pour lâcher le morceau engagé  jusque là dans le lard dans la masse ponctuée si on la reluque bien d'impacts de tous poils et de pores par où filer de bâtons sur cahier d'écolier à la lettre (2) près and


CO

naissant à chaque reprise fait écho crève d'autant la mâ



CHONNE

sa chanson contre la peur (3) et avale au passage divers sucs avec amplification sonore car du coup renchérie par l'autre bout effectuant ainsi un simple transfert de charges un


RIE

un qui fasse la différence dure tant qu'il peut lancé à la face aux parois variées sans s'y croire purifié dans l'oeuf puisqu'en fait jamais il n'y a eu d'origine (4)


1 - Antonin Artaud
2 - "De fait, quand il eut le cahier, il se mit consciencieusement à faire des bâtons... deux pages de bâtons, qui peu à peu devinrent des lettres." (Paul thévenin, Antonin Artaud, ce Désespéré qui vous parle).
3 - Norge
4 - Zanzotto

***





Extrait :

Dominique Quélen Oiseaux 

Il neige. Vas-y pas seul. Ca a été bâclé en un clic. Notre chant. Tu y as équarri un âne et deux boeufs. L'assez longue exécution tire de haut en bas l'animal et on oeuvre bien. Ca prend forme. A une fin est la petite vie une heure ou douze en tout vouée. Buvant. Allant au pas vers le charnier. J'ai nommé charnier la réserve. Au pire ne buvant rien d'eau. En voyant l'heure être la petite aiguille ! Une capacité prend peu de l'oeuvre et a achevé l'eau obtenue de moi. Exécution de l'ordre. L'A B C vient et on est équarri ici. Tel chant a décru qui un jour non. Il a l'espace. Il y va. Y est-il ?

Il fait ça. Il se mange et saisit. On est par deux et de l'eau est à l'oreille. L'oeil et toi pendez. Il faut que ça lui manque. Ca manque. Prends cette oreille. Chose à ne pas qu'il soit. Il est dans ça et le vide. C'est vrai. Puis mon sentiment issu de tous a logé la douleur. La vie avance. Un acte de la vie est proche. La belle santé de leur sentiment ici ! Mon vrai calme vient le matin et c'est bon. Fasse qu'une vive chose arrive ! Cette émotion manque trop. Nous lui manquons et il manque vous et toi. L'oreille va observer l'oeil. C'est par jeu. Aussi se rattrape-t-il.

(...)

La clarté et le mécanisme vont. De la force est telle que notre condition va en se tournant. On reconnait tout. Au loin ressent ou prend jusque dans l'os l'oeil le silence. Ton sombre feu a un éclat ici. Ayez de l'or. Payez. Sa lueur est de nature instable et vive. On est de l'ordre d'un son. Veillons à être quatre. Ne venons pas être fictifs. Du son jaillit bien de notre bouche et dans la nature. On reproduit sa force. C'est de l'eau. Un éclat très fin sombre dans ceci et le bois reste dans l'arbre. Toi ou moi tombons. Au dé on reconnaît l'os. Le mot se dit à condition d'user de telle langue. L'ut de notre mécanisme produira un la.

***

Christian Bernard ¿Aquoibonqu'àca? (neuf sonnets 2013-2003)

(...)

4. Moriturus

Moriturus que fais-tu de ta finitude sinon de tirer sur
la corde ? Et si tu aboies tu n'y crois pas tu le tais tu fais
tapis comme si tu t'accommodais du déni c'est tant pis

Supposons un moment qu'il en aille autrement qu'il y ait
autre chose que des myriades de poussières mercurielles
des flux alternatifs des monades nomades - Ce ne serait
pas lemonde ? Parlez dans l'hygiaphone Merci de na pas

faire d'histoires à défaut de la faire à défaut de l'écrire à
défaut d'y comprendre quoi ?  Merci bien Il faudrait trop
de sparadrap pour panser les couchers de soleil ne pas
perdre le fil le nord la face rester sans voix regarder sans

voir On a beau dire on aimerait cueillir les crépitements 
de l'être à la source on aimerait que les lettres ne noir
cissent pas à l'écran magique pour rien ou pour si peu


mars 2006


5. Feel back

Retour aval haha lent focus vers l'allégorie
de la taverne oui la taverne théâtre sombre
Regarde, les films pleuvent comme des serpentins
fades sur les tamis tremblés de la mémoire

Rebours à nouveau silouhette s'éloignant gris fantôme
plan de coupe entre deux pôles ("du sixième étage")
Les conditions mesurées au seul réel  les rails éblouis
rayant la nuit les objets regardés les invisibles les

révélés à l'infra-rouge et les impensés les non -
La pellicule a peu à peu perdu son pouvoir de
fascination olfactive respire ce flacon d'acide acédique

remémore encore l'odeur de svyniles neufs
qui signait l'excitation des boutiques de disques
- L'une et les autres qui s'en souvient ?


28-29 janvier 2006

***

Charles Racine  Collier, anneau, soeur (extrait)

La musique de la Néance montait dans l'air fermé
Elle dansait autour de la coupe et pénétrait dans le breuvage
Cette naissance de fiel et de musique délectait  mes lèvres invinées
Le coeur chancelant battait où nulle rumeur n'était
le coeur traqué par Soeur Folle qui battait le rappel
Blottie sur les heures céda au soupir
qui sortit de sa glaise de sa matière m'environnait
Le temps tombait en neige     Sujet bref d'existence
où s'évanouit la main éloignée par l'effaçade
Mon corps en proie au silence s'élança vers la coupe
et l'air triste et mouillé fit baver mes lèvres
qui pleurent d'entendre la musique de la Néance

1945

***

C'est, entre autres, Philippe Boutibonnes, Bruno Fern, Dominique Quélen, Typhaine Garnier, Daniel Pozner... et même les "fonds de tiroirs" de Charles Racine (poète suisse trop méconnu) que nous avons aimé dans Larevue* co-animée par Mathieu Nuss et Bruno Fern, revue placée sous le signe de la "variété dans l'esprit", publiant sans commentaire ni présentation écrivains, poètes et plasticiens. Le mise en place brute, austère même (malgré le papier glacé et l'espace laissé par le format choisi) de cet ensemble pour le moins hétérogène a le grand mérite, à défaut de parti-pris radical (qui manque en un temps de manque), d'exhiber la puissance - drôle, inquiète, inventive, intriguante - de quelques-uns qui, par un méchant effet réfléchissant en fadassent sèchement quelques autres. "Totalement engagés dans l'activité de la lecture" (cf le quatrième de couverture du numéro 2013 qui cite Ossip Mandelstam), on arracherait plusieurs pages rageusement (on est pas des modèles de tolérance ici, même si on s'attache à varier dans notre esprit, pas nécessairement pour plaire d'ailleurs. cf le quatrième de couverture du numéro 2014 qui cite François de La Rochefoucauld) ! Joies de l'éclectisme et risques de "l'ouverture", aussi exigeante soit-elle, sans aucun doute... Hop ! Tout ce qu'il y a à savoir sur la revue ici.

Ravin "S/T"

Ravin
sans titre
(Mini-LP autoproduction, 2014)





Quelques réactions : 

Il faut fusiller Ravin ! (Charles Péguy)
Prends ça dans ta gueule, bâtard ! (Stéphane Recrosio)
Ce qui ne nous tue pas nous rend plus anarcho-punk... (Friedrich Nietzsche)
Je sais pas, mélodiquement, y'a un truc qui coince, je trouve ça pauvre. (Paul McCartney)
... hélas comme vous pouvez le constater, les électrochocs ont leurs limites. (Dr. Gaston Ferdière)
Ils ont visiblement du mal à faire passer le message. Comment qui ? Hein ?? De ?... (Ludwig Wittgenstein)
Les friches industrielles de Mulhouse, c'est ce que je préfère après l'Argentine et la Russie. (F.J. Ossang)
Note pour moi-même : vite écrire "La musique et ses monstres". (Christian Prigent)
Je suis certaine qu'ils ont fait de la taule ces cons là ! (Fabienne Heudron)
Au revoir. (Valéry Giscard d'Estaing)
Ich denke, also bin. (KG)
Ich bin. (K)

Bref : un chef d'oeuvre !

Collectif "Ballades & Doïnas (Poésie orale roumaine)"

Collectif
Ballades & Doïnas
Poésie orale roumaine
(Folle Avoine, 2014)

Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies...


Extrait :

DOÏNAS ET AUTRES CHANTS DE MORT

Tout' lumière a disparu,
Des vivants il n'y en a plus.
Seul' la lampe de ma belle
Comme une étoile étincelle.
Elle a pensé : j'irai chez elle,
J'irai bien loin dans la nuit
Jusqu'à rencontrer la mort,
Qui m'mettra dans un cercueil
Tout seul avec le Bon Dieu.
Cercueil de planches mouillées,
Où la mort ne peut entrer,
Où l'amour toujours se tait.

*

Si je mourais un beau printemps,
Les oiseaux me feraient un chant,
Le ventelet un bercement,
Les oiseaux se lamenteraient,
Et de fleurs me recouvriraient,
Les arondes m'emporteraient,
Le coucou ferait une croix
D'un rameau de pommier pour moi.

***

DOÏNAS DES CONSCRITS (DOINE DE CATANIE)

Celui qu'a inventé l'armée,
Qu'la misèr' le ronge à jamais !
Qu'son cheval se méfie de lui,
Qu'il coup' du bois pour ses enn'mis,
Que sa vache reste tarie,
Qu'il soit laquais chez son enn'mi.
Qu'il suiv' le chemin que je suis,
Qu'il aill' mendier de porte en porte,
Jusqu'à c'que ses os de lui sortent.

*

La maudite armée, Joug de fer,
Mène les jeunes gens sous terre;
La maudite armée, joug d'airain,
Mène les jeun' gens comme un rien.

Celui qu'a inventé l'armée,
Que le désert rong' son foyer,
Ses enfants finiss' va-nu-pieds !

Je n'étais pas bon pour l'armée,
Je n'suis pas prêt à me marier.

Les hommes m'enjoignent en choeur
A prendre une femme sur l'heure,
Que je n'ailelpas voir les leurs.

*

Ô mont, ô mont, dure pierraille !
Laisse les vaillants, qu'ils s'en aillent,
Qu'ils gagnent une bergerie
Et coupent au sort de conscrit.
Plutôt mourir de faim au bois
Qu'être aligné dans un convoi,
Plutôt dans les bois m'égarer
Que d'avancer en rangs serrés,
Plutôt la plume du berger
Que conscrit chez les étrangers !
Que reste à jamais sans repos
Qui m'a mis l'armée sur le dos.

***

Vasile Alecsandri (1821-1890), poète roumain.
Il fût un des premiers à recueillir et regrouper les poésies populaires de Roumanie.

Un choix établi et traduit par Benoît-Joseph Courvoisier... qui signe également l'introduction, riche et informative (origine de la langue, des chants, classements et problématiques de ceux-ci...). Dommage que ce travail (important et rare) ne soit pas plus énergiquement porté par l'éditeur (site à l'abandon, aucune presse... de sorte que vous devrez, amis, chercher l'ouvrage et, si vous vivez dans un trou paumé, compter comme nous sur un heureux hasard pour découvrir son existence...), même si disant cela, nous n'oublions pas que c'est publié, courageusement... Nous n'avons rien à ajouter... car "Dans ce monde, tout finit par une chanson haïdouque".

Jacques Thomassaint "Ar Garediged"

Jacques Thomassaint
Ar Garediged
(Cynthia 3000, 2010)

Toujours disponible sur le site des défuntes éditions Cynthia 3000 ici...


Extrait :

10 . Combat contre l'Immonde

 l'Informe (dit aussi l'Immonde) hésite titube glisse sur l'humus racle sol du ventre pustules ouvre la gueule bave immondices langue où se collent terre excréments larves feuilles joncs détritus sang le cou s'incline tombe tête entre les pattes s'écartent repoussent troncs souches et branches s'immobilise caillots souffle bronches gargouilles jets aspire l'air le rejette aspire rejette hoquette sang ossements crâne phalanges iliaques bile vomissements chairs foetus plumes poils cheveux becs ongles eaux sanie germes
 l'Aventureux se relève avance marche enfonce les jambes dans les coulures piétine malaxe des talons yeux foies os approche de
 l'Immonde retient le souffle lève le tranchet frappe lève frappe le sang retombe sur la tête coule sans le cou dos reins fesses cuisses se mêle à la sueur frappe frappe frappe frappe frappe la tête se détache roule sur le côté le sang jaillit de la carotide recule glisse tombe mains dans les coulures le sang le recouvre l'asphyxie rampe sur le côté se dégage va vers la tête pose son tranchet ouvre des deux mains la gueule crocs venins maintient d'une branche la gueule ouverte reprend le tranchet sectionen la langue la prend dans la main la glisse dans la chemise se relève pousse la tête du pied jusqu'au bord de la pente tombe dans la mousse humus feuilles insectes la tête roule cascade au long de la pente détruit herbes insectes incendie sable pierre traces fumerolles consument pierre joncs s'arrête au marais palpitations  bulles boue jaillit le geyser vapeurs effluves brouillards fétidités montent aux cimes des saules peupliers chênes charmes les effeuillent écorce squelettes tordus branches l'air s'empuantit soufre carbone chlore amoniac montent atteignent bouvreuils rouges-gorges mésanges faucons bécasses éperviers chouettes tombent pierres plumes taches sur le vase tremble l'arbre racines sous l'écume frissonne s'incline se fend par le milieu tombe cime dans le marécage éclabousse la rive gouttes morceaux de tourbe alcools acides fumées troue la terre en tourbillons s'échappe l'air s'abat dendrite sigillaire sur le corps de 
 l'Immonde écrase pustules abcès tumeurs sur le flac atteint
 l'Aventureux gisant près de la souche coule contre le corps s'insi- nue sous les vêtements pénètre la bouche narines contre la terre la coulée arrive au rivage se mêle aux eaux qu'elle épaissit traverse descend se mêle à la vase refroidit durcit se solidifie obstrue les sas du lac les eaux montent une nuée becs plumes descend s'abat sur le corps de
 l'Informe becquètent pioches déchirent la peau ouvrent les chairs crachent ingurgitent défèquent sur les plaies s'affaissent ailes pattes tombent glissent s'amassent ouvrent reçoivent chairs s'entassent recouvrent le corps disparaît sous les plumes l'eau monte lave les rives des traces de 
 la Bête soulève oiseaux branches feuilles les éloigne vers son cen-tre monte clapote à la souche où l'Aventureux gît le soulève le balance nacelle nef tronc le porte brise fraîcheur brume le lave le tourne l'irise arc en ciel né d sexe traverse l'espace s'enracine de
 l'Amante les eaux déposent
 l'Amant sur la rive où l'arc disparaît fond se dissout repose bras le long du corps tête nuque au sol la langue de
 l'Immonde sur la poitrine le chien flaire pousse du museau le corps gisant le renverse la langue roule dans l'herbe grésille l'animal s'enfuit les eaux cessent leur montée portent le corps du
 Monstrueux en leur centre l'egloutissent geyser gouffre tourbillon la surface se lisse où les reflets des peupliers saules chênes se flouent dans l'ombre du crépuscule

(...) 

***


Voilà ! Une "version" (une vision même !) de la légende de Tristan et Iseut bien dégraissée, bestiale, primitive et violente... C'est aussi beau et tranchant qu'un bois gravé de Urs Graf et ça n'a plus rien de courtois ! Il convient de le préciser : c'est un ovni dans la bibliographie de Jacques Thomassaint (1942-2013), dont l'oeuvre nous est ici complètement "étrangère" (et à de rares exceptions près, nous souhaitons qu'elle le reste)... Mais alors quel ovni ! Hop !

Gregory Corso "Le Joyeux Anniversaire de la mort"

Gregory Corso
Le Joyeux Anniversaire de la mort
(Black Herald Press, 2014)

Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies et sur le site de l'éditeur ici...


Extrait :

La Mort

1
Avant que je naisse
Avant que je sois hérédité
Avant que je sois vie
Avant que je sois - les hiboux apparaissaient et les trains partaient

2
La Mort n'est ni une photographie
Ni une marque brûlante sur les yeux
Tout ce que je vois est Mort
Non pas la Faucheuse avec faux et sablier
Estafilade non pas crâne-os-en-croix
Ni papillon taureau

3
Ne donne point à la Mort un nom moindre
J'ai connu des morts qui l'ont appelée moindre
Un rugissement opiniâtre est une triste erreur
Non plus que vaillance une fois ressucitée soit de nouveau vaillance

4
Les hiboux ululent et le sifflement du train se dissipe
Je mendie le souffle qui me garde en vie
C'est de la poix que je vomis et de la poix que j'attends
- Un train parti est un train voué à arriver

5
L'amer voyage est achevé
Mort prends-moi sous ton aile
J'attends au terminus
Exultant de respirer ton air d'avalanche
L'édredon de mon corps s'est déversé
Je lève les pieds
Et l'employé des wagons-lits balaie
Ce qui jadis fût ma chair

6
La Mort aux mains véloces arrive comme tempête
Holà les queues de pie de svieux !
Holà les avenirs douloureux !

7
Ô quand je ferme les yeux
          le noir que je vois est plus noir encore
          et quand je dors le mien sommeil ne vient pas à volonté
          et quand je rêve je rêve d'enfants qui font au revoir de la main

8
Tumulte désespéré tintant à la nècre mêlé
Dégel de la dense torpeur de minuit
Pullman d'or et de soie murmurante
Doubles citadins
Botte polluée faiseur de sorcières bottier cordonnier
Crime de poussière
Plisse pelisse
Dentelle désuète
Cercueil irrigué
Lèvres pourpres claquent message ce souffle désormais est étranger
Nez riant de la Mort
Semaine noire
Est morte côte à côte avec l'heure pavée
          est morte de tourbillon d'édifice timides centurions
          est morte sans vent sec fatal
          est morte sans comprednre la dure désunion d'avec la vie
          à la vie à la mort et attarde-toi semaine plus noire encore
          à l'année succombée effroyable obscurité un amer périple
Ô cette Guerre Blanche
Ce crâne-neige
Ce dégel immaculé

9
Laisse au loin toutes sortes de maux de crampes et de hurlements
Repousse les atomes allégoriques
Convoque mobiles souffrances transfusions boursouflures et rétrécissements
Ravive le feu dans un café Elfique

10
Et seraient un palais dans la contrée de la Mort
Enfants-de-la-mort s'épuisant sous des portiques ensoleillés
Chevaux-de-la-mort grignotant l'herbe-de-la-mort
Roi mort et reine morte proclamant un tournoi de la Mort
Et serait le pourfendeur-de-Mort soufflant un feu froid
Et serait la Mort chevaleresque
Pucelle-de-le-mort
Sonnez clairons ! combattez
Et que tous les morts soient vengés

11
Mourrons tous
Exerçons-nous un instant
Jouons au mort quelques heures durant
Que chacun tisse d'élégants éternels suaires
          bâtisse de fantastique tombeaux
          sculpte des cercueils de toute une vie
          et conçoive d'admirables façons de mourir allons !
Passons sous des échelles, croisons des chats noirs,
          brisons des miroirs, brûlons des pattes de lapin, arrachons le 4ème pétale,
Oui ! tirons donc L'AS DE PIQUE - 
Dormons sans voir verrouillé nos portes

12
Oyez sorceleur !
Enviez l'aspect de la Mort
Coudez la terre
Jakez la mousse
Donnez pleurs pour le drout de panser
Filtrez l'âme farouche
Salut pleutre de la nuit
Offrez devoir pour le besoin
Il se peut que nombre de sûrements soient en germe
Joyeux manque !
Valet impavide en plein salto !
Rougeurs bovines, maux récurés, soufre épanché,
Reflux sépulcral -

13
M'en vais donc explorer la Mort
Vantant de vieilles boules de neige à Osnag Tragaro abandonnant
          Esufer Puoc dans la neige
Trompette dans une sacoche de Sourd je vais
Tantôt sur le kiosque à musique de la Mort
          je blizzarderai la blanche cendrée

14
Conserves de sorcières fenouillées dans sueur de balai
Poils de loup-garou de baignoires transylvaniennes
Hé ! l'abeille à rose depuis sa septique entrave
          me considère comme non scientifique -
Ô queue d'un cheval de labour italien !
Ô fermes abandonnées !
Entendez mes formules !
J'ai le moyen de ressuciter les morts
Je l'ai je l'ai et il faut pour cela m'aimer
Ô moi le SAVOIR de la Mort !
Moi sombre fou ah consolation rêves grâce miracle charlatan affreux Ô !

15
Drsxao ! Fourche Blouk enflamme des poulets
          le long d'une route périlleuse
Drasxao ! as-tu une bête morte pour moi ?

16
Et le hibou sanglote
le sorzier croate
          est un brin égratigné
Entendez le hibou se ranimer

***


Quelle gueule ce Gregory Corso ! Aussi fulgurant que son texte ! On a aimé ce livre, qui présente en version bilingue un choix de poèmes extraits du recueil The happy Birthday of Death traduits par Blandine Longre, avec une notice biographique, une introduction de Paul Stubbs et une Postface de Kirby Olson, toutes deux s'attachant à montrer l'entrelac extrêmement complexe et savant qu'est en vérité la poésie - difficile ? - de Gregory Corso, souvent réduit à la figure du Beat sulfureux un peu plus branque que les autres (orphelin populo, taulard, rebelle, simplement lyrique...). "Sans doute le plus grand poète américain" nous dit Allen Ginsberg en 4ème de couverture, dans une accroche digne des affiches de films pourris qui sortent aujourd'hui en salles... mais pour cette fois, c'est - peut-être - vrai. Un beau complément (puisque les traductions de Gregory Corso sont rares) au volume anthologique Sentiments élégiaques américains (Christian Bourgois,  1977. Réédité en 1996) traduit par Pierre Joris. Hop !

Gérard Duchêne (1944-2014)

Gérard Duchêne (1944-2014)


A, fragment du Journal d'Il (Gérard Adde, sérigraphe éditeur, 2011)

***

Bois meurtri

Bois meurtri bois perdu d'un voyage en hiver
Navire où la neige prend pied
Bois d'asile bois mort où sans espoir je rêve
De la mer aux miroirs crevés


Un grand moment d'eau froide a saisi les noyés
La foule de mon corps en souffre je m'affaiblis je me disperse
J'avoue ma vie j'avoue ma mort j'avoue autrui


Bois meurtri bois perdu
Bois d'asile bois mort



Paul Eluard

***


Gérard Duchêne est mort le 6 novembre 2014.

James Schuyler "Il est douze heures plus tard"

James Schuyler
Il est douze heures plus tard
(Joca Seria, 2014)

Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies, et sur le site de l'éditeur ici...


Extraits :

S'apitoyer sur soi est une sorte de mensonge, aussi

Il
neige jours
de vision défectueuse et
no-
ël arrive, comme
une charrue. Et dans la
viande la neige. Etrange.
Tout ça me rappelle
une vieille dame que j'ai
vue une fois frissonner
nue à côté d'un ruisseau
noir et pollué. On
était si mal à l'aise - mais
le train ne s'est pas
arrêté - alors. Et le
blanc qui est
une autre couleur ou
son absence -
tourne sur lui-même
comme les Who
live à Leeds que je mets
pour noyer les saintes nuits
bêlantes du
clocher de l'église
presbytérienne ce qui revient
au même que de com-
battre le feu avec de l'huile.
Gens nus - vieux,
glacés - un jour nous aurons
juste la neige
à nous mettre aussi.

***

A Frank O'Hara

Pour Don Allen

Et désormais la splendeur de ton travail est là
si complet, même
les précisions de l'imprimeur sur la typo
oui, total, même le colophon

et désormais des gens que tu n'as jamais rencontré se rencontreront
et parleront de ton travail.
Si spirituel, si triste,
si toi : même tes vers ont

le nez cassé. Et dans le fracas
de certainsmots mâchonnés
je te vois à nouveau plonger
dans les déferlantes ! Que tu nous fis

peur, non, nous éblouis à nager
au coeur d'un orage électrique
et c'était ce que tu étais
plus de vies qu'un chat

dansant, avec ta grâce
féline, te hissant sur la pointe
des pieds prêt
à plonger et

tout cela, tes poèmes,
comprimés en vingt années.
Tes manières de charmer, d'inhaler
de souffler la fumée par les narines

Comme un cheval de course qui
vient de gagner la course
fumant, impatient de galoper
sauf que tu utilisais des mots

Nuit blanche ? Qui veut dormir ?
Ce n'est pas ta voix que j'entends
ce sont tes mots que je vois
flocons d'écume et poutrelles des villes

comme une fois depuis un bus qui traversait Manhattan
je t'ai vu attendre un taxi sous la pluie légère
(carchin) comme une fois tu
me donnas une leçon de conduite et la radio

jouait La Veuve joyeuse. n se tordait de rire.
Comme une fois sous l'arbre à tartes
(paulownia)
tu t'es marré en lisant que Sophie Tucker

- le Times dans un hamac -
avait un service à thé en or. "C'est absolument
délirant," disiat-elle, "pour un service,
mais c'était mon rêve."

***

James Schuyler (à droite) et Frank O'hara (à gauche) en 1956. Photo : John Button.

Ici, on ne connaissait pas James Schuyler (1923-1991), poète affilié à l'Ecole de New-York, pote de John Ashbery et Frank O'Hara, qui fabriqua sa poésie à partir des presque riens de sa vie. Un volume de poèmes choisis et traduits par Stéphane Bouquet qui postface également l'ouvrage, comme d'habitude limpide et précis, et dont vous pouvez accompagner votre lecture avec l'autre recueil traduit en français par Bernard Rival : Le Cristal de Lithium (Théâtre Typographique, 2009)